Je dois l’avouer, depuis mon test des Beoplay EQ (en 2021, déjà…) je m’étais un peu détourné des écouteurs haut de gamme, pris comme pas mal de gens par le « juste assez » et la praticité en multi-device que constitue une bonne paire d’Airpods (quand on est sur iPhone). Mais j’ai pu tester les BeoGrace pendant un bon moment, alors voyons voir s’ils arrivent à justifier leur tarif.
Design
Les écouteurs true wireless B&O ont toujours eu une esthétique correcte et des matériaux haut de gamme, mais il leur manquait peut-être quelque chose pour être « typiquement Bang & Olufsen », quelque chose qui s’était perdu avec le passage au sans fil. Avec les BeoGrace, la marque danoise a retrouvé la recette qui fait son succès depuis 100 ans : des formes simples et de l’aluminium. Car l’aluminium est le matériau qui définit le mieux la Bang & Olufsen. On a donc, passé la partie en plastique à l’esthétique organique obligatoire car c’est elle qui est au contact de l’oreille (un contact très confortable grâce à cette forme et ce matériau), une simple tige cylindrique en aluminium. C’est propre, c’est beau, ça respire la qualité, et c’est étrangement léger pour un produit Bang & Olufsen. Si la légèreté est un vrai atout pour une paire d’écouteurs, elle s’oppose au sentiment de préciosité que les Beo Grace devraient évoquer à leur toucher. C’est peut-être un peu rétrograde, mais un objet un peu lourd fait « plus cher ». Sauf qu’on ne veut pas d’un casque ou d’écouteurs « un peu lourds ». En résumé, ce qui font d’eux d’excellent intras d’un point de vue de leur conception (et je confirme qu’on peut les porter des heures sans ressentir aucune gène, fatigue, ou poids) fait d’eux un mauvais bijou.

Les contrôles sont astucieux : si le fait de presser la tige est une action qu’on a déjà vu partout, une nouvelle fonction nommée « near tap » fait son apparition : il suffit de tapoter 3 fois ou plus sur votre tempe pour augmenter ou diminuer le volume (tempe droite pour augmenter, tempe gauche pour diminuer). Ca ressemble à du zèle d’ingénierie comme ça, mais c’est en fait très ergonomique. Pour avoir déjà testé des intras sur lesquels il fallait directement tapoter pour réaliser la même fonction, je peux vous dire que ce n’est pas du tout agréable, l’écouteur étant bien calé dans le pavillon auditif, ça peut être à la limite du douloureux. Near tap est ainsi une belle trouvaille pour ajouter la fonction de contrôle du volume de façon ergonomique.
Du côté du boîtier de charge, là encore, à l’exception de la base qui se doit de ne pas être métallique pour permettre la recharge par induction, on est face à tout le savoir-faire de B&O dans l’aluminium, avec une finition mate façon microbillage sur l’ensemble et une ligne polie miroir à la jointure entre le couvercle et le corps. La charnière semble solide et le boîtier se referme avec un « clac » satisfaisant. Le bouton d’appairage est à peine visible, tout comme la LED de statut qui apparaît à travers des micro perçages, comme sur les anciens MacBooks. C’est propre et élégant, mais ce boîtier a aussi un aspect pratique assez rare : via son port USB-C, il est possible de s’en servir comme émetteur pour diffuser n’importe quelle source aux Beo Grace via les câbles USB-C vers USB-C ou vers jack 3.5 fournis (de très beaux câbles tressés aux connectiques à la finition aluminium assortie au reste de l’objet).

Passons aux mesquineries : si les derniers écouteurs bluetooth de B&O sont livrés avec de très beaux câbles USB-C vers USB-C et USB-C vers jack (d’environ 40cm, c’est suffisant), on aurait tous aimé disposer de plus de choix d’embouts : seulement 4 paires en silicone sont fournies, une ou deux paires en mousse à mémoire de forme aurait été bienvenu. Enfin, je note qu’au début des années 2000, une belle pochette en cuir était fournie avec tous les écouteurs Earset 3i, mais que désormais, pour mille euros, on n’a plus rien : la pochette en cuir pour protéger le boîtier est vendue 300€… On va dire que puisqu’il y a déjà un boîtier, ça ne sert à rien de mettre le boîtier dans une pochette, mais bon…

Performance
Quand on place des Beo Grace dans ses oreilles, on s’attend à ce que le son qui en sort soit tout simplement exceptionnel. Et bien je dois avouer qu’ils sont de façon évidente au dessus d’AirPods Pro 3 (heureusement, vu le prix), ou de tout autre écouteur B&O (qui eux aussi sont moins chers). C’est sur le mot « évident » que j’insiste : s’il est parfois compliqué d’entendre la différence de qualité acoustique entre des écouteurs, ici les choses sont claires : les Beo Grace offrent un spectre complet, allant de basses très profondes et détaillées à des aigus ciselés, avec des mediums ronds comme on aime. La signature B&O est bien présente, avec une légère accentuation des extrêmes plutôt qu’un rendu absolument plat, mais c’est ce que les gens aiment, et ça ne nuit absolument pas au rendu très naturel. Les morceaux les plus complexes restent détaillés, sans doute grâce aux « gros » transducteurs en titane de 12mm.
Ce qui est frappant dans le rendu, c’est une caractéristique qu’on connaît sur les enceintes Beolab de la marque danoise : un équaliseur adaptatif se charge d’offrir un rendu équilibré et complet quel que soit le volume d’écoute. Souvent, sur une paire d’écouteurs haut de gamme, on aura un volume d’écoute privilégié qui fait vraiment ressortir les qualités du produit, alors qu’ici, on bénéficie de la meilleure qualité d’écoute à tout volume.
La reproduction spatiale de la scène sonore est bonne (je parle de la reproduction en stéréo, car je ne trouve pas le mode spatial audio très intéressant, quel que soit les écouteurs : ça dénature le son quand c’est simulé, et ça n’a pas d’atout majeur quand c’est un signal spatial en natif. Un peu comme la TV en 3D. Sauf peut-être si vous utilisez des écouteurs pour regarder un film en Dolby Atmos), mais elle n’arrive pas à s’ouvrir autant que ce qu’il est possible de réaliser avec un casque. Je pense qu’il y a une limite physique à la possibilité d’ouvrir la scène sonore sur des intras, et c’est un point négatif quand une paire d’intra atteint le tarif d’un casque audiophile ouvert (mais l’usage n’est pas le même).
Les Beo Grace sont des écouteurs Bluetooth, et sur iPhone (qui représente à peu près 70% de la clientèle B&O, on est donc limité au code AAC en 256kb/s. Si ça permet dans les faits d’écouter de la musique avec de très bons détails, il y a quand même un décalage entre un prix audiophile et un codec limité par nature. Alors, tout est perdu, et les audiophiles fans d’écouteurs doivent rester avec leurs Ultimate Ears 11 filaires ? (1600€, oui, plus cher que les Beo Grace, mais il existe encore plus cher en écouteurs audiophiles filaires !) Et bien non, il existe une solution qui permet de profiter de tout le spectre acoustique offert par les Beo Grace : le streaming via le boîtier. On prend le (très beau) câble USB-C vers USB-C fourni (ou l’autre, version USB-C vers jack), et on note une amélioration de la qualité d’écoute : c’est plus détaillé, plus profond, un peu plus tout, et il ne faut pas être doté d’une ouïe surnaturelle pour entendre la différence, due à l’usage du récent codec LC3 qui permet d’envoyer des signaux lossless HD. On a donc une paire d’intras à la qualité de son exceptionnelle, mais au prix d’une certaine lourdeur de connexion. Par contre, ça ne fait pas de miracle sur l’ouverture de la scène.

Oubliez l’annulation de bruit plutôt perfectible des anciens produits de la marque centenaire : les Beo Grace disposent d’une capacité à vous isoler du monde assez exceptionnelle, clairement au niveau d’Apple, Sony ou Bose. Les bruits de roulement d’un train se font oublier, tout comme la plupart des bruits d’un avion (il en reste un peu cependant). Les conversations peuvent encore être audibles, mais de façon lointaine. C’est au final très bien, mais légèrement en deçà de ce qu’arrivent à réaliser des écouteurs en plastique à 249€ frappés d’une pomme.
Le mode transparence est lui aussi très naturel, et on n’aura pas de problème à discuter sans enlever ses écouteurs, même si c’est plutôt impoli. Il n’est pas parfait, mais franchement très utilisable, et la fonction de réglage graduel entre transparence et isolation dans l’application est assez pratique.
Si je vous disais au niveau design que Near Tap était une belle trouvaille ergonomique, je dois avouer qu’en l’absence de repère sensitif, presser la tige parfaitement cylindrique des Beo Grace pour réaliser les autres fonctions est parfois (voire même assez souvent) un échec, et je dois m’y reprendre à deux fois pour trouver soit le bon positionnement de mes doigts, soit la bonne dose de force, soit les deux, alors qu’une fois trouvée la zone où Near Tap fonctionne, on n’a plus de souci pour régler le volume.
Pour finir, parlons d’un point décevant : l’autonomie. On tourne à un peu moins de 4h d’écoute en général, mais on a envie de maximiser la durée de vie de la batterie, et donc on est tenté d’opter pour limiter le seuil de charge à 80% (on peut le limiter de 80% à 100% par pas de 5%, c’est une excellente option), alors au quotidien on sera plutôt limité à 3h d’écoute. C’est un peu faible pour un produit qui se veut exceptionnel. J’ai même constaté que l’utilisation en mode transparence avec Teams sous Windows faisait baisser l’autonomie un peu plus, et donc c’est à peine plus de 2h que vous tiendrez si vous avez limité la charge à 80%. Pratique pour mettre fin prématurément à des réunions qui s’éternisent, mais clairement un souci à corriger.

Conclusion
Avec les Beo Grace, Bang & Olufsen tente de créer un nouveau paradigme : celui du bijou technologique. Mais luxe est synonyme de longévité. En achetant une montre de luxe, on pense la transmettre à sa descendance (qui n’en aura très probablement rien à faire), mais dans le cas d’un produit technologique, on sait que la batterie, les protocoles de connexion ou tout simplement la concurrence à prix accessible aura très vite rendu un produit obsolète, aussi bon soit-il au départ. Une simple paire de boucles d’oreilles sera peut-être un jour démodée (mais les modes sont cycliques), elle ne sera jamais obsolète. Des écouteurs sans fil seront implacablement obsolètes un jour. Il y a quelque chose d’un peu vain à tout ça : on connait déjà l’histoire de produits ultra haut de gamme dans le domaine de la tech (les téléphones Vertu, voire le Nokia 8800 Gold Arte, vous vous en souvenez ?) Difficile dans ces conditions de parvenir à justifier un prix de 1200€ pour une paire d’intra-auriculaires, aussi excellente soit-elle. On ne transforme pas l’aluminium en or aussi facilement.
Et même si vous aimez les produits de luxe pour la (mauvaise) raison qui consiste à vouloir « faire riche », je pense que B&O n’est pas une marque assez connue par le commun des mortels pour arriver à jouer ce jeu. Tout ce que vous arriverez à faire, c’est vous faire remarquer avec des écouteurs différents des AirPods blancs que tout le monde possède, et beaucoup plus esthétiques.
Mais si l’argent n’est pas (du tout) un problème pour vous, il faut bien avouer qu’il est difficile de trouver meilleurs écouteurs intra auriculaires full wireless sur le marché. Les Beo Grace allient une qualité sonore rarement atteinte avec une annulation de bruit au meilleur niveau du marché (ou presque), le tout avec un confort extrême et une excellente ergonomie. Mais cela se fait au prix d’une autonomie presque moitié moindre face à une vulgaire paire d’AirPods Pro 3 : Bang & Olufsen n’a pas les moyens de fabriquer ses propres puces tout intégrées et donc particulièrement frugales, et ça se voit sur le produit final. Et en parlant de batterie, espérons que B&O proposera un remplacement de batterie, car du jetable à 1200€, c’est hors de question.