Commencer sa journée en étant conduit en MX-5 RF par Kevin Rice, le directeur du design européen de Mazda, ce n’est pas le genre de choses qui arrivent souvent. Et ce n’était que le début d’une passionnante aventure au sein du design Mazda, où j’ai eu l’occasion de travailler avec les designers maison au style du véhicule de mon choix. Un seul mot d’ordre : qu’il respecte la philosophie Kodo.
Mais avant de passer à la pratique, un peu de théorie : Kevin Rice a commencé à expliquer à notre petit groupe son processus de travail, avec à nos côtés le concept Koeru, qui préfigurait le nouveau CX-5 (essayé ici), ainsi que les différents « produits dérivés » générés par des artistes qui se sont appropriés la philosophie du design Kodo, autrement dit « l’âme du mouvement ». Ces objets, vous aviez pu les découvrir sur diisign lors de leur présentation à Milan en 2015.
ici, la différence, c’est que tout commence par une sculpture
Mais pour en revenir au processus de design, et même si j’ai déjà pu fréquenter plusieurs bureaux de style (chez un constructeur étoilé par exemple), Mazda ne fait comme d’habitude pas les choses comme les autres. Oui, il y a du croquis, de la modélisation numérique, de la maquette clay, et tout ce que vous pouvez attendre d’un bureau de style digne de ce nom. Mais ici, la différence, c’est que tout commence par une sculpture.
Avant même le croquis, les designers expriment leur vision du style Kodo pour la silhouette souhaitée (par exemple un SUV Kodo pour le CX-5 pour la sculpture photographiée ici), à partir d’un bloc de clay. Ils pensent donc directement un objet en 3D qui n’a rien d’une voiture, mais qui exprime des lignes de force, des galbes, des muscles, qui se retrouveront sur le modèle final. C’est une belle façon de libérer la créativité des stylistes, et une façon de les sortir d’une routine automobile qui pourrait se créer. Le but ici est de penser le design automobile comme un art à part entière. Et à la vue de ce qui sort des esprits des designers Mazda, cette façon de penser le design automobile donne des résultats riches.
On aura fini notre introduction par l’atelier couleurs et matières, un atelier cher à Mazda puisque des matières nouvelles (comme l’insert de planche de bord façon « bois métallique » du dernier CX-5) et des couleurs aux effets originaux font la signature de la marque. Exemple avec le Soul Red, ce rouge désormais mythique chez le constructeur japonais, devenu partie de son ADN puisque ce sont quasiment 50% des clients qui choisissent leur Mazda en rouge contre au maximum 5% chez la concurrence. Pas seulement parce que les clients Mazda veulent de la différence, mais surtout parce qu’il est sublime ce rouge. Et d’ailleurs, après des milliers d’heuresun brevet a été déposé pour le protéger, car il renferme des technologies très particulières d’alignement des pigments pour lui conférer sa profondeur si particulière. Et puisqu’on est chez Mazda, ce procédé d’alignement a un doux nom japonais : Takumi-Nuri. Comparez le rouge du dernier CX-5 avec celui de l’ancien (ou du CX-3), et vous constaterez qu’il y a quelque chose de spécial, plus vibrant, plus profond.
Après tout ça, il est vite venu le temps de passer à la pratique. Accompagné de Mickaël Loyer (un designer français, comme d’autres dans l’équipe, preuve de l’excellent niveau de la formation française), le brief que j’ai proposé était simple en apparence : proposer un break de chasse (ou shooting brake si vous préférez) au design Kodo. Pourquoi un break de chasse ? Parce que j’ai un amour particulier pour cette silhouette automobile qui mélange un avant de voiture de sport avec un arrière de break. l’alliance de la passion automobile et de la praticité (BMW Z3 coupé par exemple, ou Citroën C-Airdream parmi es réalisations les plus connues sur le sol français). Et surtout, l’assurance d’un projet de design complexe et ambitieux, puisque ce mélange des genres est particulièrement complexe à mettre en oeuvre. Ce que j’ai appris plus tard en discutant avec Mickaël, autre amateur de breaks de chasse, c’est que Kevin Rice détestait cette silhouette qui pour lui avait tout de l’ornitorynque et rien de la voiture.
Kevin Rice détestait cette silhouette qui pour lui avait tout de l’ornitorynque et rien de la voiture
On avait donc deux missions : la première, déjà ambitieuse, étant de réussir un break de chasse au design Kodo, et la seconde, encore plus complexe, était de convaincre Kevin Rice que le mélange break de chasse et Kodo pouvait marcher.
Dans mon esprit, il y avait plusieurs éléments qu’il fallait apporter : je voyais des lignes de flanc qui parcouraient la voiture depuis les coins de la calandre jusqu’aux feux, en provoquant un amincissement de l’habitacle sur la partie arrière pour donner des « hanches » larges. Je me disais aussi qu’il serait intéressant d’aller récupérer dans le passé de Mazda les portes antagonistes de la RX-8 pour faciliter l’accès arrière en donnant tout de même un esprit de coupé 2 portes.
Mickaël a apporté de son côté une esquisse des flancs et de la partie avant inspirée du concept RX Vision. Ne l’ayant plus en tête au moment de l’esquisse, j’avais du mal à me le représenter au départ… Mais une fois comparé à d’autres propositions de style, il est apparu que cette forme fonctionnerait à la perfection.
Le résultat final est parfaitement fluide, moderne, et résolument Kodo. Je vous en laisse juge.
Merci aux équipes de Mazda pour cette superbe opportunité, et énorme merci à Mickaël qui a dû me supporter pendant de longues heures…