[test] Heavy Rain, ou l’occasion de se pencher sur l’avenir du jeu vidéo et du cinéma


(Attention, diisign ne se lance pas dans les tests de jeux vidéos, je tente juste une analyse prospective du genre, en dissimulant tout ça dans un de nos fameux tests de produits lifestyle). Il y a peu, j’ai joué à Uncharted 2 (sur Playstation 3)… J’avais l’impression qu’on avait atteint une sorte de summum de ce qu’il était possible de réaliser comme jeu vidéo proche d’un film : scénario sans temps mort, nombreux rebondissements, traits d’humour bien placés, graphismes incroyables, réalisation parfaite… J’avais l’impression de regarder une sorte d’Indiana Jones dont j’étais le héros. Mais en fait, je ne m’attendais pas à recevoir quelques semaines plus tard une nouvelle claque vidéoludique qui m’a prouvé qu’on pouvait aller beaucoup plus loin : Heavy Rain. Sur le papier, je vous avoue que j’étais sceptique : une histoire d’enlèvement d’enfant, de serial killer, et quatre personnes qui mènent leur enquête sur le sujet, ça sentait un peu le réchauffé… En plus, les premières vidéos de gameplay ne m’avaient pas vraiment convaincues : ça sentait le jeu vidéo typé cinéma des années 90 où vos actions étaient un peu trop éloignées de l’action et ne servaient qu’à dérouler un scénario linéaire. Je m’étais jeté sur la démo du jeu pour essayer de voir, mais je n’étais pas convaincu…
Mais en fait, depuis que j’ai joué à Heavy Rain, j’ai oublié tous mes à priori. D’accord, les actions sont souvent limitées dans ce jeu : effectivement on n’a souvent pas le choix, il suffit d’enchainer la bonne combinaison de touches et de mouvements de manette pour faire avancer l’histoire… Oui, mais en fait il y a beaucoup de moments où vous avez le choix, et ces moments peuvent être les plus insignifiants (j’ai décidé de perdre au combat à l’épée contre mon fils, ou de faire correctement des œufs brouillés…) comme les plus graves (des histoires de vie et de mort) : ils sont là pour vous faire prendre conscience que ce n’est pas un film que vous regardez, c’est VOTRE film qui se déroule sous vos yeux. Selon vos choix (même certains qui paraissent anodins), les personnages seront plus humains, plus fragiles, ou atrocement cruels. Selon vos choix encore, le scénario prendra des tournures différentes. Vous êtes littéralement happé par l’histoire, et il sera difficile de vous décoller de votre écran jusqu’à la fin de ce thriller (passé l’introduction un peu lente et ennuyante, on est totalement pris au jeu). Immédiatement après avoir fini ce jeu, j’ai voulu me replonger dans l’histoire, pour voir ce qui se serait passé « si j’avais fait les choses différemment ». Et sans vouloir vous dévoiler quoi que ce soit, quelle que soit la fin (je ne les ai pas encore toutes vues, il paraît qu’il y en aurait 26), vous en aurez pour votre argent (bon, il faut quand même avouer que les jeux vidéos sont un peu chers en France… Mais ce n’est pas l’objet du débat).

Heavy Rain n’est donc pas à proprement parler un jeu vidéo si on le compare aux jeux d’action ou d’aventure actuellement sur le marché, mais il n’est pas un film non plus. C’est une sorte d’hybride à mi chemin entre les deux.
En fait, le jeu vidéo et le cinéma sont liés depuis le début : entre les films directement adaptés (en général mal) en jeu vidéo, et les jeux vidéos qui font des (en général mauvais) films, on remarque bien que ces deux arts ont des destins liés… Mais maintenant que le cinéma fait massivement appel à des technologies vidéo ludiques (Avatar en particulier, mais d’autres films d’animation aussi), les frontières commencent à se troubler. Et aujourd’hui, avec Heavy Rain, on est clairement en face d’un jeu vidéo qui se prend pour un film.

Les deux disiplines partagent un même objectif : susciter l’émotion chez le spectateur, et les immerger dans une histoire qui les sort de leur ordinaire. Le cinéma est une machine à émotions, mais avec Heavy Rain, j’ai été immergé dans l’histoire comme jamais un film n’a pu me captiver : le fait d’influer directement sur le cours de l’histoire est simplement jubilatoire, et ce que je prenais comme des combinaisons de touches un peu aléatoires est finalement assez bien pensé, avec une utilisation assez intelligente de l’accéléromètre intégré à la manette. La qualité des graphismes, de la modélisation des personnages et de leur animation basée sur de vrais acteurs contribue beaucoup à transmettre les émotions pour au final donner assez d’humanité aux héros pour vous faire oublier que vous êtes devant un vulgaire amas de polygones.

Heavy Rain m’a fait penser au film Strange Days (1995 – Katryn Bigelow), où une nouvelle forme de divertissement est la norme, un système capable de retranscrire toutes les émotions de la personne derrière la caméra… Que serait Heavy Rain en 3D stéréoscopique, joué avec des lunettes dotées de head tracking, le tout avec des graphismes encore plus réalistes? Ce serait une machine à émotions quasi parfaite, puisque en plus d’être immergé dans l’action, ce seraient nos choix qui impactent le déroulement de l’histoire. Pas la peine de connecter des électrodes à notre cerveau pour susciter ces émotions, on est déjà munis de ce qu’il faut biologiquement pour créer suffisamment d’émotions à partir de ce que l’on vivrait dans ce jeu.

En suivant cette évolution parallèle du cinéma et du jeu vidéo, on peut s’attendre à voir des films tournés avec des caméras hémisphériques, là encore regardables avec des lunettes 3D dotées de head tracking (cette technologie est encore à améliorer, mais elle est clairement plus immersive que les écrans 3D qu’on nous vend comme une révolution, alors que finalement, quitte à porter des lunettes, autant qu’elles contiennent l’écran). La différence entre les deux arts ne tiendrait, au final, que dans la possibilité d’influer sur le cours de l’histoire.

En résumé, je ne peux que vous conseiller de tenter l’expérience Heavy Rain, de mon côté je n’ai jamais été autant immergé dans un jeu vidéo. Ce n’est pas le meilleur jeu vidéo du monde (il est court, il ne vous fera pas autant réfléchir qu’un jeu d’aventure, pas autant agir qu’un jeu d’action), mais c’est une expérience qui mérite vraiment d’être « vécue ». Heavy Rain est clairement un exemple d’un nouveau genre de jeu vidéo, plus adulte, plus immersif émotionnellement. Ce n’est pas l’avenir du jeu vidéo, c’est juste une nouvelle branche qui vient de s’ouvrir. L’avenir du jeu vidéo, lui, semble vraiment prometteur.

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